Nous n’avons pas fini de parler des conséquences juridiques (non loin d’être certes les plus dramatiques) de cette pandémie avec ce sujet qui préoccupe à la fois les locataires et les propriétaires d’immeubles commerciaux.
En effet, cette pandémie et les mesures gouvernementales consécutives pour stopper la progression du virus ont et auront des effets collatéraux non négligeables.
Quelle position adopter concernant vos loyers commerciaux ?
Par décret numéro 223-2020 du 24 mars 2020, le gouvernement du Québec ordonnait la fermeture de tous les commerces et entreprises n’octroyant pas de services essentiels. Plusieurs arrêtés consécutifs ont apporté des précisions quant aux activités jugées prioritaires.
Le ralentissement de l’activité économique et l’arrêt des activités dites non essentielles ont touché de plein fouet de nombreux locataires de baux commerciaux qui en raison de l’arrêt total de leur activité ou de la baisse considérable du rendement de celle-ci, n’ont pas pu payer leur loyer.
Comment ces impayés peuvent-ils être juridiquement qualifiés ?
Comment vont-ils être traités lors de la reprise du travail et du déconfinement progressif ?
Quelle que soit votre situation, il importe de rappeler les deux obligations essentielles qui incombent aux cocontractants dans un bail commercial :
Ces deux obligations sont interdépendantes et corrélatives.
Analysons l’exécution de ces obligations au regard du décret cité plus haut.
Il faut rappeler qu’en général les baux commerciaux prévoient dans la plupart des cas l’exclusion de la force majeure comme moyen de se libérer du paiement des loyers. À défaut de clause de ce type dans votre bail, la force majeure pourra-t-elle s’appliquer pour justifier le défaut de paiement ?
En principe, la réponse est non, la jurisprudence ne reconnait pas en la force majeure un moyen de se libérer d’une obligation monétaire.
À tout le moins, vous pourrez envisager de renégocier le montant de votre loyer ou être libéré de certaines de vos obligations en amorçant directement avec votre locateur une négociation pour obtenir des concessions de sa part lors de la reprise de l’activité.
Rappelons également l’Aide d’Urgence du Canada pour le Loyer Commercial (AUCLC) mise en place par le gouvernement fédéral.
Cette interdiction, en vertu du décret gouvernemental, constitue sans nul doute pour le locateur un cas de force majeure le libérant alors de son obligation de procurer la jouissance paisible des lieux loués.
En effet, la jurisprudence de la Régie du logement dans le contexte de la crise du verglas de 1998 en matière de baux d’habitation a considéré ladite crise comme un cas de force majeure pour les locateurs ne pouvant plus assurer la jouissance paisible des lieux loués aux locataires en raison des pannes d’électricité. De façon corrélative la Régie du logement a accordé des diminutions de loyers aux locataires ainsi privés de la jouissance de leur logement.
Cette jurisprudence en matière de bail d’habitation pourrait être transposée à la situation actuelle pour les baux commerciaux.
En conséquence, les locataires de ces espaces commerciaux pourraient refuser d’exécuter partiellement ou totalement leur obligation corrélative, soit celle de payer leur loyer, sauf si contractuellement il est prévu que la force majeure ne peut en aucun cas libérer le locataire du paiement de son loyer.
Chaque situation doit être appréciée individuellement.
Bien entendu le bail commercial doit faire l’objet d’une analyse juridique complète afin de déterminer quels sont vos droits et permettre ainsi de renégocier avec l’autre partie les conditions de votre bail.
Il est certain que de part et d’autre des concessions mutuelles devront être faites pour préserver la relation d’affaires existante.