Les entrepreneurs reconnaissent l’importance de créer de la visibilité et une image solide pour leur entreprise. Un des moyens d’y parvenir est de maintenir une localisation stratégique et connue de tous pour leurs activités commerciales. Ce faisant, une entreprise peut vraisemblablement conserver plus facilement sa clientèle, réduire les coûts de déménagement et promouvoir sa réputation au sein d’un quartier ciblé. À contrario, une délocalisation non planifiée pourrait avoir un impact négatif sur ses affaires et parfois même menacer sa pérennité.
En tant que locataires, plusieurs entreprises croient qu’en signant un bail d’une durée de plusieurs années elles pourront ainsi protéger leur place d’affaires pour cette période. Il s’agit malheureusement d’une croyance erronée.
Il peut survenir des événements, tels que la vente de l’immeuble, qui pourraient permettre au nouveau locateur de mettre fin abruptement au bail. En principe, l’aliénation (ou vente) d’un immeuble n’emporte pas la résiliation d’un bail de plein droit1. Le bail se poursuit donc même s’il y a une vente et ne s’éteint pas d’office.
Toutefois, tout locateur (soit l’acheteur de l’immeuble) peut faire résilier un bail commercial nonobstant la durée qui y était prévue. C’est donc dire que même si votre bail était prévu pour une durée de 10 ans, le nouveau locateur pourra tout de même y mettre fin prématurément en transmettant un préavis. Dans le cas d’un bail à durée indéterminée, le préavis sera égal à la durée du terme fixé pour le paiement du loyer2. Pour ce qui est d’un bail à durée fixe de plus de 12 mois, l’acquéreur pourra résilier le bail 12 mois plus tard avec un préavis écrit de 6 mois3.
Cette situation pourrait être catastrophique pour un entrepreneur dont le plan stratégique repose en partie sur la localisation de son commerce. En effet, le fait d’apprendre, à contre-temps, que le bail est résilié et qu’il faut céder ses locaux peut sévèrement affecter les finances et les opérations d’une organisation...
La publication du bail au Bureau de la publicité des droits avant l’acte de vente a normalement pour effet de protéger votre bail et empêcher un nouvel acquéreur d’y mettre fin avant terme. Cependant, l’inscription doit se faire avant l’acte de vente ou l’exercice d’un droit hypothécaire et votre bail doit être d’une durée fixe par opposition à un bail à durée indéterminée4. Si cette précaution n’a pas été prise, le locataire disposerait alors d’un possible recours contre son ancien locateur qui s’était engagé à lui permettre de jouir du local commercial pour la durée du bail.
Une autre mesure de protection pourrait émaner du vendeur lui-même si celui-ci inclut une clause dans le contrat de vente à l’effet que l’acquéreur s’engage à ne pas mettre fin aux baux de l’immeuble avant les délais prévus. Une telle clause permettrait aux locataires d’entreprendre un recours directement contre le nouvel acquéreur qui ne respecterait pas cette clause5.
Le droit d’un locataire de publier son bail commercial est d’ordre public. Conséquemment, une clause dans un bail à l’effet que le locataire n’aurait pas le droit de se prévaloir de ce droit ou qui lui imposerait une pénalité, le cas échéant, est illégale et sans effet6.
Il est toutefois possible de limiter les informations qui peuvent se trouver dans la publication d’un bail au Bureau de la publicité des droits. Effectivement, pour des raisons stratégiques, il est possible par exemple pour le locateur d’exiger que le prix du loyer n’apparaisse pas dans la publication du bail ainsi que d’autres informations qui sont considérées comme sensibles.
Les renseignements contenus dans l’avis incluent essentiellement l’identification des locateurs et des locataires, la désignation de l’immeuble où est situé le local concerné, la date de début et de fin du bail ainsi que certains droits spécifiques au bail7.
Il convient de préciser que s’il survient des modifications au bail à la suite de la publication, une mise à jour devra être faite pour conserver ces nouveaux droits.
La publication d’un bail commercial est une démarche préventive et peu coûteuse. Elle a l’avantage de vous permettre de protéger les locaux loués de votre entreprise dans l’éventualité où l’immeuble que vous occupez fait l’objet d’une transaction. C’est pourquoi tout entrepreneur diligent et prudent a tout intérêt à s’en prévaloir pour assurer la stabilité de ses affaires.
1 - Art. 1886 C.c.Q.
2 - Art. 1882 C.c.Q.
3 - Art. 1887 al. 2 C.c.Q.
4 - Art. 1887 C.c.Q.
5 - Art. 1444 C.c.Q.
6 - Art. 2936 C.c.Q.
7 - Art. 2999.1 C.c.Q.